Né le 11 octobre 1951 à Malartic, au cœur de l’Abitibi, Daniel Manibal aura marqué l’histoire du cyclisme québécois en ouvrant la voie à une reconnaissance internationale du sport féminin. Visionnaire, audacieux et passionné, il a consacré plus de trois décennies à bâtir des événements d’envergure qui ont contribué à propulser le cyclisme féminin sur la scène mondiale.

C’est par hasard, à 39 ans, qu’il découvre le vélo. À l’origine, il ne pratique que pour le plaisir, encouragé par le défi lancé par un voisin sportif. Il participe donc à plusieurs compétitions dans des séries pour Maîtres où s’affrontent des amateurs dans la même catégorie d’âge que lui. Très vite, la passion s’installe. Fasciné par la force et la détermination des femmes qu’il côtoie sur le terrain, il développe une profonde admiration pour leur engagement dans le sport. Ce regard différent, empreint de respect et de conviction, orientera toute sa carrière.

Entrepreneur de nature, Daniel Manibal avait déjà derrière lui un solide parcours dans le monde du tourisme et de la distribution. Fondateur de Multi Concept Distribution, une entreprise de logistique spécialisée dans le voyage, il possédait le sens du réseau, de la mise en marché et de l’événementiel. Ces compétences deviendront ses plus grands atouts lorsqu’il choisit de se tourner vers le cyclisme professionnel.

Au milieu des années 1990, il s’implique d’abord en Europe au sein de l’équipe féminine Mutuelle de France, où il agit comme entraîneur et adjoint au directeur sportif. À son retour au Québec, il fonde sa propre équipe féminine, Québec Tour - Air Transat, qui regroupe les meilleures cyclistes d’Amérique du Nord. L’expérience ne dure qu’un an, mais elle confirme son intuition : le Québec a besoin d’événements de calibre international pour faire rayonner ses athlètes féminines.

C’est ainsi qu’en 1998, Daniel Manibal concrétise un projet audacieux : une manche de la série Coupe du monde cycliste féminine de Montréal, première course d’un jour du circuit UCI exclusivement réservée aux femmes. Pendant douze ans, jusqu’en 2009, cette compétition rassemblera sur le mont Royal l’élite mondiale du cyclisme, de Marianne Vos à Lyne Bessette, tout en inspirant toute une génération de jeunes Québécoises. L’événement deviendra rapidement un rendez-vous incontournable du calendrier international, reconnu pour son organisation impeccable et son atmosphère unique.

Convaincu que le cyclisme féminin devait aussi s’ancrer dans les régions, Manibal crée en 2001 le Tour du Grand Montréal, une course par étapes qui se démarque par son originalité. Pendant près d’une décennie, elle sillonne plusieurs villes – Rigaud, Mont-Saint-Hilaire, Granby, Terrebonne, Lachine, Châteauguay – et poursuit deux objectifs clairs : faire rayonner le tourisme québécois et soutenir les athlètes féminines en leur offrant une plateforme de compétition et des bourses. Il s’agissait d’une initiative inédite à l’époque, où les épreuves féminines manquaient encore de visibilité et de reconnaissance.

Toujours en quête de nouveaux défis, il étend son modèle à l’extérieur du Québec et fonde le Tour de l’Île-du-Prince-Édouard (Tour de PEI) en 2007. Pendant trois éditions, jusqu’en 2009, l’événement attire les meilleures formations internationales et confirme la réputation du promoteur comme figure incontournable du cyclisme d’élite féminin. Son talent à rassembler, sa ténacité à convaincre les commanditaires et sa capacité à livrer l’impossible lui valent l’admiration du milieu.

Homme de collectif, Daniel Manibal savait s’entourer de personnes talentueuses. Il croyait à la force du groupe, à la complémentarité des compétences, et à la valeur des collaborations sincères. Derrière son tempérament fougueux se cachait une détermination sans faille : celle de faire avancer la cause du sport féminin. Ses proches le décrivent comme un bâtisseur résilient, un guerrier du possible, capable de transformer les obstacles en projets.

Au-delà de la performance sportive, il a toujours vu le vélo comme un vecteur de fierté et de développement. En organisant ses courses, il cherchait autant à offrir une vitrine aux athlètes qu’à promouvoir le Québec comme destination dynamique et sportive. Il a fait le lien entre deux univers qu’il connaissait bien – le tourisme et le cyclisme – pour en tirer une synergie durable.

Ses réalisations ont été saluées à maintes reprises. En 2001, la Coupe du monde cycliste féminine de Montréal a été nommée Meilleur événement de la Coupe du monde UCI Route Femme. L’année suivante, il a été désigné Personnalité de la semaine La Presse, puis nommé au Trophée Femmes et Sports du Comité international olympique en 2003. En 2007, son Tour de PEI a été couronné Événement cycliste de l’année par l’Association cycliste canadienne.

Après 2009, il quitte Montréal pour s’établir à l’Île-du-Prince-Édouard. Fidèle à lui-même, il ne s’éloigne pas de l’organisation d’événements : il se tourne vers une autre passion, les voitures anciennes. Il y organise plusieurs expositions et encans, toujours avec la même rigueur et le même souci du détail.

Daniel Manibal s’est éteint à Terrebonne le 14 février 2025, entouré des siens. Il laisse derrière lui non seulement sa famille et ses proches, mais aussi un héritage durable dans le monde du sport. Visionnaire, rassembleur et profondément humain, il a joué un rôle déterminant dans l’essor du cyclisme féminin au Québec. Grâce à lui, des centaines d’athlètes ont pu rêver, performer et se faire une place sur la scène mondiale.

Son parcours prouve qu’avec de la passion, de la persévérance et une foi inébranlable dans le potentiel des femmes, il est possible de transformer un rêve en moteur de changement.